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Parcours remarquables Publié le 30 août 2019

Naomi MacKenzie : « Tout le monde regarde de belles potos de nourriture mais personne ne va voir dans la poubelle »

Les jeunes générations ont développé une relation intense avec la nourriture. Étant donné qu’ils jouissent de la vie à travers les expériences, manger est de toute évidence devenu une de leurs priorités. Il suffit de jeter un coup d’œil aux réseaux sociaux pour constater qu’il y a des centaines de photos colorées et voyantes de plats très appétissants. Cependant, ils ont tendance à ignorer un problème clef du secteur de l’hôtellerie : le gaspillage alimentaire.

KITRO est un projet né pour proposer une solution à ce problème. Anastasia et Naomi s’inquiétaient de la gestion des déchets et elles ont donc décidé d’agir. Aujourd’hui, leur entreprise aide le secteur de l’hôtellerie à mesurer et à réduire automatiquement le gaspillage et les coûts alimentaires. Nous avons parlé avec Naomi MacKenzie à propos de KITRO et de son influence.

Question : Qu’est-ce qui vous a poussée à vous impliquer dans la réduction du gaspillage alimentaire et à co-fonder KITRO ?
Réponse : Mon associée Anastasia et moi travaillions dans le secteur de l’hôtellerie, en cuisine et en service en salle. De grandes quantités de restes que laissaient les clients finissaient à la poubelle. C’est là que nous nous sommes rendu compte qu’il y avait un très grand gaspillage alimentaire et qu’il fallait s’attaquer à ce problème. Notre idée consistait à automatiser tout le processus mais nous n’avions pas les compétences technologiques nécessaires.

L’inspiration nous est venue alors que nous étions dans une Tesla. Il y avait une caméra dans la voiture qui lisait les panneaux de limitation de vitesse. L’information des panneaux était transmise à la voiture lorsqu’elle passait devant. Et nous nous sommes dit : « Pourquoi ne pas utiliser une technologie comme ça et l’appliquer au gaspillage alimentaire ? »

Q : Vous êtes une entrepreneuse très jeune. Est-ce que vous aviez déjà imaginé de fonder votre propre entreprise ?
R : Non, je pense que c’était le fruit du hasard. Anastasia et moi nous sommes inscrites à un concours qui avait lieu dans une université. Il fallait créer une animation de 2 minutes sur un concept durable en 2025 pour le secteur de l’hôtellerie et nous avons gagné. Anastasia et moi n’arrêtions pas de penser à cette idée et nous avons décidé de nous lancer et de créer une entreprise.

Q : À votre avis, qu’est-ce qui rend KITRO spécial ?
R : Pour moi, ce qui rend KITRO si spécial c’est notre capacité de travailler en équipe. Nous sommes un groupe de jeunes professionnels motivés par la durabilité, par les autres membres de l’équipe et par l’idée de créer quelque chose en partant de zéro.

Je suis persuadée que le partenariat entre Anastasia et moi a fonctionné parce que nous voulions avoir un effet positif sur l’environnement et, en même temps, cela nous rendait fières. Nous n’avons même pas pensé à la valeur monétaire que cela pouvait avoir. Je pense que cette attitude a été fondamentale dans le cadre de ce projet.

Q : Avez-vous rencontré des obstacles pendant le développement de KITRO ?
R : Oui, il y en a eu. Notre plus grand défi était de constituer une équipe technique capable de mener à bien notre projet. Nous avons engagé une personne très compétente mais qui n’avait pas le profil idéal pour s’intégrer dans l’équipe. Nous avons ainsi appris qu’il y avait un facteur plus important que les compétences techniques, à savoir la capacité des employés à s’intégrer dans l’équipe et le fait que tout le monde, quel que soit le poste occupé, devait être traité en égal. Cela s’est produit juste avant le premier tour de financement et aurait pu entraîner la faillite de l’entreprise.

Q : Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui s’apprête à entreprendre son propre projet ?
R : Je pense que beaucoup de personnes hésitent à entreprendre leur propre projet parce qu’elles ne savent pas comment s’y prendre. Mais, en ce qui nous concerne, au cours des dernières années, nous avons appris plus de choses que ce que nous aurions appris en faisant un autre travail ou en faisant un master. Je pense qu’il ne faut jamais se laisser décourager par le manque d’expérience, même lorsqu’on est jeune. Par ailleurs, il faut trouver le bon co-fondateur. Pour moi, c’était très important de partager des idées avec Anastasia et de prendre des décisions ensemble.

Q : La société actuelle a de plus en plus conscience des enjeux environnementaux. Que représente pour vous le fait de faire partie de la solution ?
R : C’est formidable que la société soit de plus en plus consciente de l’existence du problème du gaspillage alimentaire, que les gens commencent à en parler et à le quantifier. Il existe un fort potentiel d’innovation pour s’attaquer aux enjeux environnementaux et nous sommes fières de faire partie de la solution. Nous avons eu la chance de fonder une entreprise consacrée à cette problématique juste au bon moment.

Q : Quels sont les projets d’avenir de KITRO ?
R : Dans les années à venir, nous allons faire des progrès en ce qui concerne les logiciels et le matériel informatique que nous utilisons, notre degré d’automatisation et notre service clients. À titre personnel, j’aimerais aussi m’intéresser aux déchets plastiques, notamment les déchets de plastiques à usage unique dans les cuisines comme les bouteilles, les pailles, les sacs et les emballages en plastique. Il existe un grand potentiel de développement durable et j’aimerais me pencher sur cette question.

Q : Que pouvons-nous faire à titre individuel pour réduire le gaspillage alimentaire ?
R : Tout le monde peut apporter son grain de sel. Rien qu’un petit effort pendant un mois ou une semaine pourrait faire une grande différence. Par exemple, ne pas demander des myrtilles quand ce n’est pas la saison. Ou encore en emportant les restes de nourriture à la maison. Ces petits réflexes peuvent aider à réduire le gaspillage alimentaire, en particulier dans le secteur de l’hôtellerie. Certains de nos clients ont peur de décevoir leurs propres clients si le buffet n’inclut pas de myrtilles ou de recevoir des plaintes s’ils mettent moins de frites dans les assiettes.

Photo: KITRO